La détention a domicile sous surveillance électronique (DDSE) : comprendre cette alternative à l'incarcération
- Julien Plouton
- 21 janv.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 avr.
La détention domiciliaire sous surveillance électronique, communément appelée "bracelet électronique", représente une évolution majeure dans notre système pénal. Cette mesure permet à certains condamnés de purger leur peine hors des murs de la prison, tout en restant sous le contrôle de la justice. Le Cabinet Plouton vous propose un éclairage complet sur ce dispositif.
1 > Qu'est-ce que la détention domiciliaire sous surveillance électronique ? 2 > Les deux contextes d'application de la DDSE 3 > Conditions et critères d'éligibilité pour bénéficier de la DDSE
7 > Durée et fin de la DDSE 8 > Avantages et inconvénients par rapport à la détention classique 9 > FAQ : DDSE 10 > Contactez-notre cabinet pour votre défense
Qu'est-ce que la détention domiciliaire sous surveillance électronique ?
La DDSE est une mesure légale qui oblige une personne à demeurer à son domicile (ou dans un autre lieu désigné) pendant des périodes déterminées, tout en étant surveillée à distance au moyen d'un dispositif électronique.
Le dispositif se compose généralement :
D'un bracelet porté à la cheville ou au poignet (émetteur)
D'un boîtier récepteur installé au domicile et relié au système de surveillance
Cette surveillance est assurée par l'administration pénitentiaire, qui est alertée en cas de non-respect des horaires fixés ou de tentative de manipulation du dispositif.
Depuis la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020, la DDSE a été formellement établie comme une peine autonome, remplaçant l'ancienne appellation de "Placement sous Surveillance Électronique" (PSE).
À noter : Il ne faut pas confondre la DDSE avec l'assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE), qui intervient avant le jugement comme alternative à la détention provisoire.
Les deux contextes d'application de la DDSE
Le cadre juridique de la DDSE est défini principalement par l'article 131-4-1 du Code pénal et les articles 723-7 et suivants du Code de procédure pénale.
Caractéristiques | DDSE comme peine autonome | DDSE comme aménagement de peine |
Qui la prononce? | Tribunal correctionnel directement | Tribunal au moment de la condamnation ou JAP ultérieurement |
Applicable à | Délits punis d'emprisonnement | Peines d'emprisonnement déjà prononcées |
Durée | 15 jours à 6 mois maximum | Jusqu'à la durée de la peine restant à exécuter |
Plafond | Ne peut excéder la durée d'emprisonnement encourue | 2 ans maximum de peine restant à purger pour les JAP |
Cas typiques | Infractions de gravité moyenne | • Peines ≤ 6 mois : aménagement de droit<br>• Peines 6 mois à 1 an : aménagement possible<br>• Détenus avec peine restante ≤ 2 ans<br>• Mesure probatoire avant libération conditionnelle<br>• Libération sous contrainte (aux 2/3 de la peine) |
Base légale | Article 131-4-1 du Code pénal | Articles 723-7 et suivants du Code de procédure pénale |
Quelles sont les critères d'éligibilité pour bénéficier de la DDSE ?
Conditions matérielles essentielles
Pour qu'une DDSE soit possible, plusieurs conditions matérielles doivent être réunies :
Disposer d'un hébergement stable
Avoir un logement raccordé à l'électricité
Être dans une zone couverte par le réseau GSM pour la transmission des données
Si le lieu n'est pas le domicile du condamné, obtenir l'accord écrit du propriétaire ou du locataire
Critères liés à la situation personnelle
La décision d'accorder une DDSE prend également en compte :
L'exercice d'une activité professionnelle
L'engagement dans une formation ou des études
La recherche active d'emploi
La participation à la vie de famille
Les besoins médicaux spécifiques
Tout projet d'insertion sociale ou professionnelle
Le consentement : une condition indispensable
Le consentement écrit de la personne est une condition sine qua non à la mise en place de la DDSE. Le refus de ce consentement peut entraîner l'exécution de la peine d'emprisonnement initiale.
Procédure de mise en place de la DDSE
Une fois la décision de placement sous DDSE prise, plusieurs étapes sont suivies :
Convocation devant le Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP) :
Dans un délai maximum de 5 jours si la décision est assortie de l'exécution provisoire
Dans un délai maximum de 30 jours dans les autres cas
Détermination des modalités pratiques :
Si le tribunal n'a pas fixé le lieu ou les périodes d'assignation, le JAP doit les déterminer
Le condamné est convoqué devant le JAP dans un délai de 30 jours
Le JAP dispose de 4 mois pour fixer ces modalités
Installation technique :
Pose d'un récepteur au domicile par le personnel de surveillance
Fixation du bracelet électronique à la cheville ou au poignet
Réglage du périmètre d'assignation par le SPIP
Vérification médicale (si demandée) :
La personne peut demander qu'un médecin vérifie que le dispositif ne présente pas d'inconvénient pour sa santé
La vie quotidienne sous DDSE : droits et obligations
Obligations principales
La personne placée sous DDSE doit :
Rester à son domicile ou au lieu désigné pendant les périodes fixées
Répondre aux convocations des autorités désignées par le juge
Justifier toute absence en dehors des horaires autorisés
Préserver l'intégrité du bracelet et du boîtier récepteur
Obligations supplémentaires possibles
Le juge peut également imposer des obligations supplémentaires, conformément aux articles 132-44 et 132-45 du Code pénal, comme :
Suivre des soins
Indemniser les victimes
Ne pas rencontrer certaines personnes
Les absences autorisées
Des sorties du domicile sont généralement autorisées selon le planning établi par le juge. Voici les motifs habituellement acceptés :
Motif d'absence | Description | Justificatifs possibles |
Activité professionnelle | Emploi salarié ou indépendant | Contrat de travail, planning de travail |
Formation/Études | Enseignement, stages, examens | Certificat de scolarité, convocations |
Recherche d'emploi | Rendez-vous Pôle Emploi, entretiens | Convocations, attestations |
Vie familiale | Accompagnement enfants, courses | Selon appréciation du juge |
Traitement médical | Rendez-vous médicaux, hospitalisation | Ordonnances, convocations médicales |
Insertion sociale | Rendez-vous administratifs, associatifs | Convocations, attestations |
Pratique religieuse | Temps de culte | Sur autorisation spécifique |
Permissions exceptionnelles | Événements familiaux importants | Demande préalable au SPIP |
Tout changement d'horaire de travail, d'adresse ou besoin exceptionnel d'absence doit être signalé au SPIP, idéalement avec un préavis suffisant.
Conséquences en cas de non-respect des conditions
Déclenchement d'alarme et vérification
Toute absence non autorisée ou tentative de manipulation du dispositif déclenche une alarme au centre de surveillance. La personne est alors contactée pour fournir une explication.
Sanctions possibles
En cas de violation des obligations, plusieurs sanctions peuvent être appliquées selon la gravité des manquements :
Type de violation | Sanctions possibles | Autorité compétente |
Retard occasionnel | Avertissement verbal ou écrit | SPIP / JAP |
Absences injustifiées répétées | Convocation devant le JAP<br>Modification des horaires (restriction) | JAP |
Non-respect régulier des horaires | Durcissement des conditions<br>Retrait de certaines autorisations de sortie | JAP |
Absence prolongée non justifiée | Révocation de la mesure<br>Incarcération pour la durée de peine restante | JAP |
Manipulation/dégradation du dispositif | Révocation + poursuites pénales supplémentaires | JAP + Tribunal correctionnel |
Situation d'urgence | Réintégration immédiate en prison (si DDSE aménagement) | Chef d'établissement pénitentiaire |
Conséquences pénales supplémentaires
Certains comportements peuvent entraîner des poursuites pénales supplémentaires :
Endommager volontairement le bracelet ou le boîtier
Ne pas regagner son lieu d'assignation dans les délais fixés (considéré comme une évasion, passible de 3 ans d'emprisonnement selon l'article 434-27 du Code pénal)
Durée et fin de la DDSE
Durée selon les différents cas d'application
Type de mesure | Durée minimale | Durée maximale | Base légale |
DDSE peine autonome | 15 jours | 6 mois | Art. 131-4-1 CP |
DDSE aménagement initial | Variable | Jusqu'à 1 an de peine | Art. 723-15 CPP |
DDSE aménagement en cours de peine | Variable | Jusqu'à 2 ans de reliquat | Art. 723-7 CPP |
DDSE période probatoire (libération conditionnelle) | Variable | Jusqu'à 3 ans | Art. 723-7 CPP |
DDSE libération sous contrainte | Variable | 1/3 restant de la peine | Art. 720 CPP |
Fin anticipée possible
Le JAP peut mettre fin anticipativement à la mesure dans plusieurs situations :
Situation | Conditions | Procédure |
Bonne conduite | • Respect des conditions pendant au moins la moitié de la durée • Reclassement acquis • Surveillance non nécessaire | Demande de la personne ou décision d'office du JAP |
Suspension temporaire | Motifs familiaux, médicaux, sociaux ou professionnels justifiés | Demande motivée au JAP |
Conversion en sursis probatoire | Mesure plus adaptée à la situation | Décision du JAP après débat contradictoire |
Motifs médicaux graves | Incompatibilité médicale prouvée avec le dispositif | Certificat médical + décision du JAP |
Avantages et inconvénients par rapport à la détention classique
Le tableau comparatif ci-dessous permet de mieux comprendre les différences entre la DDSE et l'incarcération traditionnelle :
Caractéristique | Détention classique | Détention domiciliaire sous surveillance électronique |
Lieu d'exécution | Établissement pénitentiaire | Domicile ou lieu d'hébergement désigné |
Liberté de mouvement | Très restreinte, limitée à l'enceinte de la prison | Restreinte au domicile avec possibilité de sorties autorisées |
Liens sociaux | Contact limité (visites, téléphone, courrier) | Maintien des relations familiales quotidiennes |
Activité professionnelle | Généralement interrompue ou très limitée | Peut être maintenue selon les horaires autorisés |
Réinsertion sociale | Plus difficile, rupture avec l'environnement | Facilitée, maintien dans le tissu social |
Coût pour l'État | Environ 110€/jour/détenu | Environ 30€/jour/personne |
Surveillance | Directe par le personnel pénitentiaire | Électronique à distance |
Impact psychologique | Choc carcéral, promiscuité, isolement | Stress lié à la surveillance, sentiment d'intrusion |
Stigmatisation | Forte après la sortie de prison | Limitée, plus discrète durant l'exécution |
Risque d'influences négatives | Exposition au milieu carcéral | Très limité, reste dans son environnement habituel |
Taux de récidive observé | Plus élevé pour les courtes peines | Généralement plus faible |
Personnalisation | Limitée aux aménagements internes | Forte adaptation aux contraintes individuelles |
Questions éthiques | Conditions de détention, surpopulation | Vie privée, contrôle constant, intrusion |
Questions fréquentes sur la DDSE
La DDSE est-elle applicable aux mineurs ?
Oui, la DDSE en tant que peine autonome est applicable aux mineurs de plus de 13 ans, avec des adaptations liées au Code de justice pénale des mineurs.
Puis-je choisir de porter le bracelet au poignet plutôt qu'à la cheville ?
En principe, le bracelet est posé à la cheville, mais pour des raisons médicales ou professionnelles justifiées, il peut être fixé au poignet.
Est-il possible de prendre une douche ou de nager avec le bracelet ?
Le bracelet est étanche et résistant, permettant de prendre une douche. Cependant, la baignade prolongée (piscine, mer) est généralement déconseillée.
Comment fonctionne le bracelet lors des déplacements professionnels ?
Les déplacements professionnels réguliers sont intégrés dans les horaires autorisés. Pour les déplacements exceptionnels, une autorisation spécifique doit être demandée au SPIP.
Que se passe-t-il en cas de coupure d'électricité au domicile ?
Le boîtier récepteur dispose généralement d'une batterie de secours. En cas de coupure prolongée, il est recommandé de contacter rapidement le SPIP.
Le bracelet électronique est-il visible sous les vêtements ?
Le bracelet est relativement discret mais peut être visible selon le type de vêtements portés. Il n'existe pas d'obligation légale de le cacher.
Besoin d'une défense pénale adaptée ?
Si vous ou l'un de vos proches êtes concerné par une mesure de DDSE ou souhaitez savoir si vous pourriez en bénéficier, n'hésitez pas à contacter le cabinet Plouton.
Cabinet Plouton, constitué d'avocats pénalistes expérimentés, pourra vous accompagner dans toutes les étapes :
Demander la DDSE comme peine principale ou comme aménagement
Vous aider à réunir les conditions nécessaires
Vous conseiller sur vos droits et obligations
Vous assister en cas de difficultés dans l'exécution de la mesure
Bénéficiez d'une stratégie de défense personnalisée et d'un accompagnement juridique de qualité pour traverser cette période.
Article rédigé par Me Julien Plouton, avocat au Barreau de Bordeaux spécialisé en droit pénal. Les informations contenues dans cet article sont d'ordre général et ne sauraient constituer un avis juridique personnalisé. Pour toute question spécifique, veuillez consulter un professionnel du droit.
Dernière mise à jour : mars 2025
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