Dans le système judiciaire français, l'Assignation à Résidence Sous Surveillance Électronique (ARSE) constitue une mesure importante qui concilie les nécessités de l'enquête avec le principe de présomption d'innocence. Notre Cabinet vous propose un éclairage complet sur ce dispositif qui permet à une personne mise en examen d'éviter la détention provisoire tout en restant sous contrôle judiciaire.
Qu'est-ce que l'Assignation à Résidence Sous Surveillance Électronique ?
L'ARSE est une mesure judiciaire qui permet à une personne mise en examen de demeurer à son domicile (ou dans une résidence fixée par le juge) plutôt que d'être placée en détention provisoire, tout en étant surveillée à distance par un dispositif électronique.
Cette mesure s'inscrit dans une volonté de limiter le recours à l'incarcération avant jugement, particulièrement lorsque les nécessités de l'enquête ou la protection de la société peuvent être assurées par des moyens moins restrictifs que la détention en établissement pénitentiaire.
Important : Contrairement à la Détention Domiciliaire Sous Surveillance Électronique (DDSE) qui s'applique aux personnes condamnées, l'ARSE concerne uniquement les personnes mises en examen pendant la phase d'instruction, avant tout jugement définitif.
Cadre juridique et conditions d'application
Base légale
L'ARSE est régie par les articles 142-5 à 142-13 du Code de procédure pénale. Son cadre a été récemment précisé par le Décret n° 2025-154 du 19 février 2025, notamment concernant les situations où l'ARSE est ordonnée sous condition suspensive de faisabilité technique.
Qui peut ordonner l'ARSE ?
L'ARSE peut être ordonnée par :
Le juge d'instruction au cours de l'information judiciaire
Le juge des libertés et de la détention (JLD), notamment lorsqu'il est saisi pour des questions relatives à la détention provisoire
Critères d'éligibilité
Critères | Conditions requises |
Pour les majeurs | Personne mise en examen encourant une peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins 2 ans ou une peine plus grave |
Pour les mineurs | Mineur âgé de 16 ans ou plus encourant une peine d'emprisonnement d'au moins 3 ans |
Cas spécifiques | Personne mise en examen pour violences ou menaces (punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement) contre son conjoint, concubin, partenaire de PACS ou enfants |
Condition technique | Vérification de la faisabilité technique par le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) |
Consentement | Consentement obligatoire de la personne à l'installation du dispositif (le refus peut entraîner la détention provisoire) |
Domicile | Si le lieu d'assignation n'est pas le domicile de la personne, accord écrit du propriétaire ou du titulaire du contrat de location |
Le processus de mise en place de l'ARSE
La mise en place de l'ARSE suit une procédure précise :
Ordonnance motivée : Le juge d'instruction ou le JLD rend une ordonnance détaillant :
Le lieu d'assignation
Les jours et horaires pendant lesquels la personne doit y être présente
Les motifs autorisés d'absence
Les éventuelles obligations supplémentaires
Vérification technique : Le SPIP évalue la faisabilité technique de la surveillance au lieu d'assignation (couverture réseau, électricité, etc.)
ARSE conditionnelle : Depuis la loi du 20 novembre 2023 et selon le décret du 19 février 2025, le JLD peut ordonner une "assignation à résidence sous surveillance électronique conditionnelle" (ARSEC) avec incarcération provisoire (maximum 15 jours) pendant la vérification de faisabilité
Installation du dispositif :
Pose du bracelet électronique (généralement à la cheville) par le personnel de l'administration pénitentiaire
Installation d'une unité réceptrice au domicile, branchée sur une prise électrique
Réglage des paramètres de surveillance
Information et consentement : La personne est informée de ses obligations et doit donner son consentement écrit
La vie quotidienne sous ARSE : obligations et restrictions
Obligations principales
La personne placée sous ARSE doit respecter plusieurs obligations :
Obligation | Description |
Présence obligatoire | Demeurer au lieu d'assignation pendant les périodes fixées par le juge |
Absences autorisées | Ne sortir qu'aux horaires et pour les motifs expressément autorisés |
Convocations | Répondre aux convocations de toute autorité ou personne désignée |
Préservation du matériel | Ne pas endommager le bracelet ou le récepteur |
Signalement | Informer le SPIP de tout changement dans sa situation |
Obligations supplémentaires possibles
Le juge peut également imposer tout ou partie des obligations du contrôle judiciaire prévues aux articles 138 et suivants du Code de procédure pénale, comme :
Interdiction de rencontrer certaines personnes
Interdiction de fréquenter certains lieux
Obligation de remettre ses documents d'identité ou son permis de conduire
Obligation de suivre des soins médicaux ou psychologiques
Interdiction de détenir une arme
Motifs d'absence autorisés
Le juge peut autoriser la personne à s'absenter de son lieu d'assignation pour différents motifs :
Exercer une activité professionnelle
Suivre un enseignement ou une formation
Se soumettre à des soins médicaux
Participer à la vie de famille
Accomplir des démarches administratives
Se présenter aux convocations judiciaires
Comparaison entre l'ARSE et d'autres mesures judiciaires
Le tableau ci-dessous permet de comparer l'ARSE avec d'autres mesures de contrôle judiciaire :
Caractéristique | ARSE | Détention provisoire | Contrôle judiciaire simple | DDSE (après condamnation) |
Phase concernée | Instruction (avant jugement) | Instruction (avant jugement) | Instruction (avant jugement) | Après condamnation |
Lieu d'exécution | Domicile ou résidence désignée | Établissement pénitentiaire | Liberté avec restrictions | Domicile ou résidence désignée |
Surveillance | Électronique (bracelet) | Directe (personnel pénitentiaire) | Ponctuelle (convocations) | Électronique (bracelet) |
Restriction de liberté | Forte mais à domicile | Totale | Modérée | Forte mais à domicile |
Maintien activité pro | Possible avec autorisation | Impossible ou très limitée | Généralement possible | Possible avec autorisation |
Contacts sociaux | Limités aux horaires autorisés | Très limités (visites) | Peu affectés (sauf interdictions) | Limités aux horaires autorisés |
Durée maximale | Variable selon l'instruction | Variable selon l'infraction | Variable selon l'instruction | 6 mois (peine) ou durée de la condamnation (aménagement) |
Déduction de peine | Intégralement déduite | Intégralement déduite | Non déduite | N/A (est la peine) |
Conséquences en cas de non-respect des conditions
Le respect des obligations imposées dans le cadre de l'ARSE est primordial. Voici les conséquences d'une violation des conditions :
Système d'alerte et vérification
Toute absence non autorisée ou tentative de manipulation du bracelet déclenche une alarme au centre de surveillance
Le centre contacte alors la personne pour vérifier la situation
Le SPIP peut également effectuer des contrôles téléphoniques inopinés ou des visites au domicile
Sanctions prévues
Type de violation | Sanctions possibles | Qui décide |
Absence injustifiée | Émission d'un mandat d'arrêt ou d'amener Placement en détention provisoire | Juge d'instructio |
Manipulation du bracelet | Poursuites pénales en plus de la révocation de l'ARSE | Tribunal correctionnel |
Non-respect des horaires | Avertissement ou révocation selon la gravité | Juge d'instruction |
Violation d'interdictions | Révocation et placement en détention provisoire | JLD |
Le non-respect des obligations de l'ARSE peut donc entraîner des conséquences graves, la principale étant le placement en détention provisoire.
Statistiques et chiffres clés (2025)
Au 1er janvier 2025, la situation de l'ARSE en France présentait les caractéristiques suivantes :
Indicateur | Chiffre | Proportion |
Personnes sous ARSE | 3 466 | 10,3% des mesures en milieu ouvert |
Personnes en détention provisoire | ≈ 18 000 | Environ 5 fois plus que l'ARSE |
DDSE (bracelet après condamnation) | 15 750 | 4,5 fois plus que l'ARSE |
Semi-liberté | 3 466 | Équivalent à l'ARSE |
Placement extérieur non hébergé | 766 | 4,5 fois moins que l'ARSE |
Ces chiffres montrent que l'ARSE, bien qu'en progression, reste une mesure moins utilisée que la détention provisoire classique, malgré ses avantages potentiels pour la réinsertion et la présomption d'innocence.
Avantages et limites de l'ARSE
Avantages
Respect de la présomption d'innocence : alternative moins stigmatisante à la détention provisoire
Maintien des liens sociaux et familiaux pendant l'instruction
Possibilité de continuer à travailler ou à suivre une formation
Réduction de la surpopulation carcérale
Meilleure préparation à la défense avec un accès plus facile à l'avocat
Coût moindre pour l'État par rapport à la détention provisoire
Limites et difficultés
Impact psychologique de la surveillance constante
Restrictions significatives de la liberté de mouvement
Stigmatisation sociale liée au port visible du bracelet
Contraintes techniques (nécessité d'électricité, couverture réseau)
Dysfonctionnements possibles du dispositif (alarmes injustifiées)
Difficultés professionnelles liées aux restrictions horaires
Questions fréquentes sur l'ARSE
En quoi l'ARSE diffère-t-elle du bracelet électronique après condamnation (DDSE) ?
L'ARSE s'applique avant jugement, pendant la phase d'instruction, pour des personnes présumées innocentes. La DDSE intervient après une condamnation définitive, soit comme peine autonome, soit comme aménagement d'une peine d'emprisonnement.
La durée passée sous ARSE est-elle prise en compte en cas de condamnation ultérieure ?
Oui, la durée passée sous ARSE est intégralement déduite de la durée de toute peine privative de liberté qui serait ultérieurement prononcée pour les mêmes faits.
Peut-on voyager à l'étranger sous ARSE ?
Non, l'ARSE implique généralement une interdiction de sortie du territoire national. Des autorisations exceptionnelles peuvent parfois être accordées par le juge pour des motifs impérieux.
Qui paie les frais liés à l'ARSE ?
Contrairement à certains pays, en France, la personne placée sous ARSE n'a pas à payer pour le dispositif de surveillance. Ces frais sont pris en charge par l'administration pénitentiaire.
Mon employeur sera-t-il informé que je suis sous ARSE ?
L'administration pénitentiaire respecte la confidentialité de votre situation judiciaire. Cependant, les contraintes horaires peuvent nécessiter d'informer votre employeur si vous avez besoin d'aménagements spécifiques.
L'ARSE peut-elle concerner des mineurs ?
Oui, l'ARSE peut être appliquée aux mineurs de 16 ans ou plus qui encourent une peine d'emprisonnement d'au moins 3 ans.
Comment le Cabinet Plouton peut vous accompagner
Si vous ou l'un de vos proches êtes concerné par une mesure d'ARSE ou risquez une détention provisoire, Me Julien Plouton, avocat pénaliste à Bordeaux, peut vous accompagner à chaque étape :
Veiller à ce que les conditions imposées soient adaptées à votre situation
Vous conseiller sur vos droits et obligations
Intervenir en cas de problème dans l'exécution de la mesure
Préparer votre défense pendant cette période
N'hésitez pas à contacter le cabinet pour une consultation. Un accompagnement juridique adapté est essentiel pour traverser cette période tout en préparant efficacement votre défense.
Article rédigé par Me Julien Plouton, avocat au Barreau de Bordeaux spécialisé en droit pénal. Les informations contenues dans cet article sont d'ordre général et ne sauraient constituer un avis juridique personnalisé. Pour toute question spécifique, veuillez consulter un professionnel du droit.
Dernière mise à jour : mars 2025
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