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L'aménagement de peine, comment peut-il s'appliquer ?

  • Photo du rédacteur: Julien Plouton
    Julien Plouton
  • 11 juin 2024
  • 6 min de lecture

Comprendre les aménagements de peine


L'aménagement de peine permet d'exécuter une peine d'emprisonnement ferme sans incarcération complète ou selon des modalités adaptées. Ce n'est pas une annulation de la sanction, mais une adaptation qui concilie punition et réinsertion, comme le prévoit l'article 707 du Code de procédure pénale.


Ces aménagements peuvent être décidés :


  • Dès le jugement (ab initio) par le tribunal correctionnel (articles 132-25 à 132-28 du Code pénal)

  • En cours d'exécution par le Juge d'application des peines (JAP) (articles 723-1 et suivants du Code de procédure pénale)


 

Que se passe-t-il après une condamnation à de la prison ferme ?


Trois scénarios possibles :


  1. Avec mandat de dépôt : Le tribunal vous envoie directement en prison à l'issue de l'audience. L'aménagement de peine ne pourra être envisagé qu'ultérieurement, pendant l'exécution de votre peine.

  2. Sans mandat de dépôt (article 723-15 du Code de procédure pénale) : Vous restez libre après l'audience et serez convoqué par le juge d'application des peines (JAP) pour examiner les possibilités d'aménagement de votre peine. C'est le cas le plus fréquent pour les courtes peines.

  3. Peine déjà aménagée : Le tribunal prononce directement une peine aménagée (ex: bracelet électronique), mais les modalités pratiques seront précisées par le JAP.

Important : L'aménagement de peine avant incarcération n'est possible que pour les peines inférieures ou égales à 2 ans (1 an pour les récidivistes). Depuis la loi du 23 mars 2019, les peines inférieures ou égales à 6 mois doivent en principe être aménagées.
 

Les différents types d'aménagements de peine


  1. Le bracelet électronique (PSE/DDSE)

(Articles 132-25 du Code pénal et 713-42 du Code de procédure pénale)


C'est l'aménagement le plus fréquent (environ 12 000 personnes concernées en 2023). Vous exécutez votre peine à domicile en portant un bracelet électronique qui contrôle votre présence à certaines heures.


Comment ça fonctionne :


  • Vous êtes assigné à résidence à des horaires précis définis par le juge

  • Des sorties sont autorisées pour : travail, recherche d'emploi, formation, soins médicaux, vie familiale

  • Les personnes vivant à votre domicile doivent donner leur accord écrit

  • Un contrôleur du SPIP effectue des visites régulières à votre domicile


Avantages : Maintien de l'emploi, des liens familiaux, poursuite des soins.

 
  1. La semi-liberté

(Articles 132-25 du Code pénal et 723-1 du Code de procédure pénale)


Vous dormez en prison mais pouvez en sortir en journée pour des activités précises.


Comment ça fonctionne :


  • Vous êtes hébergé dans un établissement pénitentiaire ou un centre de semi-liberté

  • Vous en sortez selon des horaires définis pour : travail, formation, soins, vie familiale

  • Vous devez réintégrer l'établissement chaque soir et y rester les jours sans activité

  • Des contrôles d'alcoolémie et de stupéfiants peuvent être effectués à votre retour


En 2023, environ 2 000 personnes bénéficiaient de ce dispositif en France.

 
  1. Le placement extérieur

(Articles 132-25 du Code pénal et 723-1 du Code de procédure pénale)

Vous êtes hébergé dans une structure habilitée et non en prison.


Deux types de placement :


  • Sans surveillance : Vous vivez et travaillez à l'extérieur, avec un suivi par une association partenaire

  • Avec surveillance : Vous travaillez sous la surveillance directe de l'administration pénitentiaire


Cette mesure est particulièrement adaptée aux personnes ayant des problèmes d'addiction ou sans logement stable.

 
  1. La libération conditionnelle (LC)

(Articles 729 et suivants du Code de procédure pénale)


Pour les peines plus longues, après avoir exécuté une partie de votre peine (généralement la moitié), vous pouvez être libéré sous conditions.


Conditions requises :


  • Avoir effectué au moins la moitié de votre peine (deux tiers en cas de récidive)

  • Présenter des "efforts sérieux de réadaptation sociale"

  • Avoir un projet d'insertion concret (emploi, formation, famille)


Obligations possibles :


  • Indemniser les victimes

  • Suivre des soins

  • Exercer une activité professionnelle

  • Respecter certaines interdictions (lieux, personnes)


En 2023, environ 7 000 personnes bénéficiaient d'une libération conditionnelle.

 
  1. La libération sous contrainte (LSC)

(Article 720 du Code de procédure pénale)


Introduite par la loi du 15 août 2014, elle concerne les personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à 5 ans ayant accompli les deux tiers de leur peine. Le JAP l'examine d'office et peut l'accorder même sans votre consentement.

 
  1. Autres aménagements


Fractionnement de peine

(Articles 132-27 du Code pénal et 723-1-1 du Code de procédure pénale)

Permet d'exécuter une peine d'emprisonnement (≤ 1 an) par périodes séparées, sur une durée maximale de 4 ans.


Suspension de peine

(Articles 720-1 et 720-1-1 du Code de procédure pénale)

Interruption temporaire de la peine pour raisons médicales graves ou problèmes familiaux exceptionnels.


Conversion en jours-amende

(Article 747-1-1 du Code de procédure pénale)

Pour les peines ≤ 6 mois : remplace l'emprisonnement par le paiement d'une somme quotidienne sur une période déterminée.


Conversion en travail d'intérêt général (TIG)

(Article 747-1 du Code de procédure pénale)


Pour les peines ≤ 6 mois : remplace l'emprisonnement par des heures de travail non rémunéré (entre 20 et 400 heures) au profit d'une association ou d'une collectivité.


 

Comment obtenir un aménagement de peine ?


Les acteurs clés de la procédure


  • Le Juge d'Application des Peines (JAP) (Articles 712-1 et suivants du CPP) : Magistrat spécialisé qui décide des modalités d'exécution des peines

  • Le Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP) : Évalue votre situation et vous aide à élaborer un projet d'aménagement

  • Le Procureur de la République : Donne son avis sur la demande d'aménagement

  • Votre avocat : Vous assiste tout au long de la procédure (aide juridictionnelle possible)


Les étapes de la procédure


  1. Saisine du JAP : Par vous-même, votre avocat, ou d'office pour certaines mesures

  2. Évaluation par le SPIP : Un conseiller évalue votre situation et la faisabilité du projet

  3. Débat contradictoire : Audience où tous les acteurs (vous, avocat, procureur, SPIP) s'expriment

  4. Décision motivée : Le JAP rend une ordonnance ou un jugement qui précise les modalités de l'aménagement


Les critères d'appréciation du juge


Le JAP examine plusieurs éléments pour prendre sa décision :


  • Votre situation professionnelle : Un emploi stable ou une formation sont des atouts majeurs

  • Votre hébergement : Vous devez justifier d'un logement stable et adapté (surtout pour le bracelet électronique)

  • Vos antécédents judiciaires : Ils sont pris en compte, mais ne sont pas systématiquement rédhibitoires

  • La nature de l'infraction : Certaines infractions graves peuvent limiter les possibilités d'aménagement

  • Votre comportement : Vos efforts d'indemnisation des victimes et de réinsertion sont valorisés

  • Vos garanties de représentation : Tout ce qui montre que vous respecterez les obligations imposées


Les documents à préparer


Pour maximiser vos chances, rassemblez :


  • Contrat de travail ou promesse d'embauche (l'élément le plus important)

  • Justificatif de domicile récent

  • Attestation d'hébergement avec copie de la pièce d'identité de l'hébergeant

  • Justificatifs de formation ou d'inscription à Pôle Emploi

  • Certificats médicaux si nécessaire

  • Justificatifs d'indemnisation des victimes (même partielle)

  • Attestations de suivi thérapeutique (si pertinent)


 

Évolutions législatives récentes


La Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice


Cette loi a apporté des changements importants :



La Loi du 20 novembre 2023 (LOPJ 2023-2027)


Cette loi prévoit :


  • Des moyens supplémentaires pour les SPIP

  • La création de places d'aménagement de peine

  • Des modifications techniques concernant les conversions de peine


 

Questions fréquentes


Peut-on aller en prison si on travaille ?

Avoir un emploi est un élément très favorable pour obtenir un aménagement, mais cela ne garantit pas d'éviter l'incarcération, surtout en cas de faits graves ou de mandat de dépôt. En 2023, environ 65% des personnes ayant un emploi stable ont obtenu un aménagement de leur peine ≤ 2 ans.

Quel délai entre le jugement et l'incarcération ? Si un mandat de dépôt est prononcé, l'incarcération est immédiate. Sans mandat de dépôt, le délai moyen est de 3 à 6 mois avant la convocation devant le JAP (selon l'encombrement des juridictions).

Peut-on aménager toutes les peines ? Les peines ≤ 2 ans (1 an pour les récidivistes) sont aménageables avant incarcération. Au-delà, l'aménagement n'est possible qu'après avoir effectué une partie de la peine en détention.

Que risque-t-on en cas de non-respect des obligations ? Le non-respect peut entraîner la révocation de l'aménagement et l'incarcération pour la durée restante, parfois majorée. En 2023, environ 15% des aménagements ont été révoqués pour non-respect des obligations.

Important : Chaque situation est unique. Consultez notre cabinet spécialisé en droit pénal pour des conseils personnalisés et adaptés à votre cas.

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